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Le vélo, alternative contre l’exclusion sociale

Notre société n’est pas toujours très tendre avec celles et ceux qui perdent leur autonomie. Le nombre de personnes âgées ou de personnes en situation de handicap qui perdent le contact avec la société faute de pouvoir se mêler à ses activités affiche une hausse alarmante. Depuis quelques années, des initiatives sont mises en place pour mettre fin à cet isolement. Leur vecteur commun ? Le vélo.

La vieillesse, la maladie et le handicap sont deux facteurs majeurs d’isolement dans nos grandes villes. Dès lors que l’on ne peut plus se mouvoir en autonomie, on se coupe de la communauté, on perd le lien social. Et finalement, on perd un peu de sa joie de vivre. Une étude de l’INPES menée en 2010 montrait que le fait de vivre seul multipliait par quatre chez les hommes, et par deux chez les femmes, la probabilité de survenue d’un épisode dépressif au cours des douze derniers mois. Chez la
femme, le fait de ne pas avoir eu d’activité de groupe ou de loisir au cours des huit derniers jours, multiplie par deux la probabilité d’être en détresse psychologique.

Le vélo, pour sortir les personnes âgées ou les personnes en situation de handicap, de leur isolement…

L’isolement touche également les personnes handicapées clouées comme Mickaël, polyhandicapé qui a besoin de la présence de ses parents adoptifs pour tous les gestes du quotidien et pour partir à la découverte de son environnement. « Au démarrage, avec ma femme, nous l’emmenions en balade en poussant le fauteuil, mais c’était lourd et cela durait peu longtemps » raconte Henri-Claude Poisson, le père adoptif de Mickaël. Pourtant, il souhaitait que son fils puisse profiter des plaisirs de la nature au même titre que les adultes valides. « J’ai alors réfléchi à la conception d’un adaptateur permettant une liaison entre un vélo VTT et le fauteuil. » Ainsi est né, en 2000, le guidon HCP, un équipement qui associe une bicyclette avec un fauteuil roulant. Le guidon HCP* remplace, rapidement, la roue avant ainsi que le guidon traditionnel de la bicyclette et vient se visser dans la douille de direction qui reçoit normalement la fourche avant de votre vélo. Il est relié au fauteuil roulant en enserrant les tubes horizontaux inférieurs de celui-ci à l’aide de deux mâchoires métalliques serrées avec quatre écrous papillon. Cela assure la fixation de l’ensemble et relève les petites roues avant du fauteuil, les grandes roues devenant donc la direction. Il ne reste plus qu’à repositionner sur le guidon HCP tous les équipements présents normalement sur le guidon de la bicyclette (changement de vitesse, freins, et sonnette).

Le HCP n’a pas enrichi financièrement Henri-Claude. Mais quelle richesse de voir le bonheur de son fils…

Le fauteuil ne subit aucune modification ou altération et de retour à la maison, on effectue l’opération inverse pour rendre le fauteuil à sa mission première. « Avec ce système, on a permis à Mickaël de faire du vélo, de rencontrer du monde, de voir des paysages différents, et ce n’est que du bonheur. » En 2009, Henri-Claude Poisson a fait breveter sa création avec un objectif : mettre son produit à disposition du plus grand nombre de personnes, à un prix raisonnable, pour permettre aux personnes en fauteuil roulant de faire des balades à vélo. Il ne touche pas un centime avec son invention mais qu’importe, « je suis riche d’autre chose ! » Aujourd’hui, il existe 500 exemplaires du HCP en France et à l’étranger. « Je suis fier car, grâce à mon équipement, des personnes en situation de handicap voire même des personnes âgées, peuvent sortir de chez eux. » Avec cet équipement, fabriqué à la main par l’entreprise normande Lenormand, la vitesse est limitée à 10 km/h. Mais qu’importe si cela
permet d’offrir de belles escapades en extérieur à une catégorie de personnes qui n’en n’ont pas toujours la possibilité à cause des contraintes liées à leur handicap…

Sentir le vent dans ses cheveux…

C’est cette même volonté de rompre l’isolement qui a poussé le Danois Ole Kassow à créer son association « A vélo sans âge » en 2012 qui a pour objectif d’offrir aux personnes âgées, résidents de maisons de retraite, des petites sorties presque gratuites, à vélo, au grand air et en toute sécurité et ainsi leur permettre de rester des membres actifs de la communauté. Cycliste du quotidien, il a été frappé un jour par la présence d’un petit vieux assis sur un banc. Ce jour-là, allez savoir pourquoi, il s’est dit que cet homme, malgré son âge, apprécierait peut-être lui aussi de faire un tour à vélo. Quelques jours plus tard, louant un triporteur, il a proposé un petit tour de vélo à Thorkild, le vieil homme du banc. Celui-ci a accepté et « ce fut un moment de partage exceptionnel » raconte Ole. Thorkild a alors raconté toutes sortes d’anecdotes relatives à sa jeunesse, à l’époque où, lui aussi faisait du vélo. « De retour à notre point de départ, le vieil homme était transfiguré. Il était heureux d’avoir pu ressentir, une fois encore, le vent dans ses cheveux. »

Les responsables des EHPAD et autres maisons de retraite se montrent intéressés par les services de l’association « A vélo sans âge »

Après cette première expérience, Ole a continué, pendant son temps libre, à emmener les locataires de la maison de retraite de Thorkild à bord de son Rickshaw pour des balades au cœur de la ville. Et les retraités apprécient : la promenade leur donne l’occasion de redécouvrir la ville et de discuter avec le conducteur. Deux ans et demi après cette première expérience, Ole Kassow a fait des émules au Danemark avec 300 sites et 2 000 pilotes. Et le concept s’est exporté à l’étranger. En France, c’est une Danoise, Ditte
Jakobsen, installée à Cap Breton, qui a implanté l’association. Et depuis 2014, de nombreuses antennes locales ont vu le jour dans l’Hexagone. On en recense 17 dans toute la France. « Ces balades sont l’occasion d’échanges entre le pilote et ses passagers. Il est toujours intéressant d’entendre les personnes âgées raconter leurs souvenirs. Nous sommes les témoins » raconte Ditte. Aujourd’hui, si l’association compte de très nombreux bénévoles ravis de partager ces petits instants avec leurs aînés, elle est toujours à la recherche de subventions pour acquérir des vélos dont le coût unitaire est de 5 000 €. Il arrive souvent que les directeurs(trices) de foyers pour personnes âgées financent eux-mêmes l’acquisition d’un triporteur, conscients de tous les bienfaits de ces promenades à vélo sur leurs pensionnaires. « Par rapport à une sortie en voiture, la personne respire, peut sentir les odeurs de la ville, des fleurs et les résidents sont ravis. Et puis la présence de bénévoles leur permet de voir des personnes extérieures à leur quotidien » confie Sylvie Bionic, directrice du foyer de Ti-Langastel. Et puis ces balades au grand air ont un effet bénéfique sur la santé des personnes âgées qui se sentent mieux psychologiquement ! Alors oui, le vélo peut avoir de réels bienfaits sur le bonheur en réinsérant personnes âgées et personnes en situation de handicap dans leur environnement !

Prix du guidon HCP : 390 € TTC.
Infos : Tél. : 02 33 76 58 00 ou www.facebook.com/pg/Le-guidon-HCP-vélopousseur-pousse-fauteuil-425895437466515/